dimanche 17 février 2013

Guerre aux chômeurs ou guerre au chômage ? - Emmanuel PIERRU


Un chômeur en fin de droit s'immole devant une agence de Pôle Emploi. Ce post est tristement d'actualité, alors ...

Puisque le chômage fait aujourd'hui partie de notre société, puisqu'il peut nous toucher à un moment ou un autre de notre carrière, puisqu'il empêche les jeunes de se lancer dans la vie, puisqu'il laisse les anciens sans activités jusqu'à leur retraite, puisqu'il touche notre famille, nos amis, nos voisins et touche deux fois plus les personnes handicapées,

Prenons le temps de lire le livre d'Emmanuel PIERRU Guerre aux chômeurs ou guerre au chômage. Oui, prenons le temps et regardons en face, car ce que nous apprend ce livre, c'est que le chômage fait peur, qu'il rebute celui qui est en emploi et fait honte à celui qui est sans activité. Face à ce sujet nous sommes donc souvent tentés de détourner le regard ...

Finalement, on en parle assez peu, ou plutôt trop souvent le matin, le midi et le soir dans les journaux télévisés ( et aussi la nuit grâce aux chaines d'info en continu ). Oui on en parle ... mais surtout pour parler des "chômeurs" de manière indistincte ( qui ça, qui sont-ils vraiment ?), du taux de chômage (combien sont-ils réellement ? qui est pris en compte ? qui est mis de côté et pourquoi ?) car le sujet est éminemment politique.

Emmanuel PIERRU dresse en finesse le portrait des chômeurs, il tord le cou aux représentations classiques (révolutionnaires, vote FN, fainéants ...) et nous alerte sur la dégradation continue de l'assurance chômage depuis les années 80.

Il nous encourage à changer notre regard sur ces personnes privées d'activité et à nous battre pour la mise en place d'une véritable assurance qui permette à tous de se protéger de ce risque, le chômage, inhérent au fonctionnement de notre société actuelle.

lundi 11 février 2013

La pieuvre - Laetitia Carton

La pieuvre est un émouvant film-témoignage de Laetitia Carton sur la maladie de Huntington.

Elle ne témoigne pas seule. Car la maladie de Huntington est une histoire de famille. Cette "pieuvre" a déjà englouti de nombreuses personnes dans son entourage. Vieux, jeunes, hommes, femmes tous peuvent être victimes. Une seule règle :  Une chance sur deux d'être touché par la maladie transmise par son père ou sa mère. Laetitia nous présente les dégâts de la pieuvre au fil des générations dans sa famille :  ses ancêtres, son grand-père, puis sa mère.

Alors, vivre dans l'angoisse ou faire le test pré-symptomatique ? Rester dans l'inconnu en espérant qu'on est pas porteur ? ou qu'au pire la maladie se déclenchera tard ? Prendre le risque de faire le test et être libéré si on est pas porteur ? ou au contraire se savoir porteur et être hanté au quotidien par une maladie qui se déclenchera à coup sûr un jour ?

Ce que l'on découvre avec ce film, c'est l'angoisse toujours présente en arrière plan qui pousse à guetter les premiers symptômes de la maladie, quitte à surinterpréter le moindre geste désordonné, la plus petite obsession. Faut-il renoncer à l'enfant pour "briser la chaîne" ?

Dans la famille les avis à propos du test sont partagés. Laetitia ne supporte plus la menace de la pieuvre. Fera-t-elle le test ?



Vous pouvez voir le film en ligne.
Le DVD est aussi disponible à L'ADAV.
Durée du film : 89 min.

lundi 4 février 2013

Le jour où je n'étais pas là - Hélène CIXOUS




CIXOUS…c’était d’abord pour moi, les soirs de théâtre, un nom imprimé sur le bitume à Reims.


Puis c’est devenu Hélène CIXOUS, l’auteur de Le jour où je n’étais pas làC’est avec plaisir que j’ouvre ce blog consacré à la littérature et au handicap (mais aussi travail, emploi et social…) en vous présentant ce livre incontournable. Parce que l’écriture est belle, j’ai pris le parti d’intégrer de grandes citations pour vous faire découvrir ce rythme atypique.

Ce livre raconte l’oubli d’un enfant « différent », les souvenirs qui reviennent, Alger en arrière-plan et la quête auprès de la famille des circonstances de sa mort.




Un 1er mai, un livret de famille, un chien à trois pattes exhument le souvenir de l’enfant niais :
"Durant toute cette journée je descendis souvent de sous la  terre, je marchai sur la terre, je traversai des ponts des heures entières, je longeai des chemins sans nom c’était le printemps je vis un coquelicot tout seul allumé tout en haut de sa hampe je descendis plusieurs fois sous la terre, j’y fus surprise par mes morts, surtout l’un, un de mes fils, auquel je ne pensais plus jamais, et qui me revint de a à z ce jour-là, j’ai pleuré […]"

Elle écrit alors 
« un livre que je ne voulais surtout pas écrire ».

Elle revient sur sa naissance. Déjà, un malaise 
« Je n’arrivais pas à voir l’expression du visage de la lune »
[Me fait penser au court métrage Mon petit frère de la lune ]

Un flottement :
« Elle n’en revient pas. Elle s’attarde dans une heure bizarre, flottante, entre deux heures. Elle vient d’accoucher d’une part. D’autre part ce qui vient d’arriver c’est que celui qui vient de naître, il n’est pas encore tout à fait arrivé quelque part, il n’est pas à sa place, il remue encore faiblement à l’entrée de la scène, à l’extérieur comme retenu par une grande incertitude, comme timide. […] elle sent pourtant passer une forme manquant de force ou au contraire une forme d’une force monstrueuse de faiblesse. L’enfant flou. »

Plus tard, reste la question de la place de cet enfant dans sa vie de mère :
« Comment répondre à la question : combien avez-vous eu d’enfants, sans lente et longue réflexion […] Vous avez eu des enfants ? oui oui oui, combien ? ah, ça ! cela dépend. Depuis l’apparition de mon fils l’agneau aux mains palmées, il ya Impossibilité, depuis l’arrivée de mon fils imprévue de mon fils l’Impossible, je ne puis dire combien sans que le mot combien se fende, l’enfant aussi, fendu, tout fendu et défendu et dé-fendu par le dedans , combien d’enfants ? »

A sa naissance, elle témoigne du changement brutal de destinée, de chemin 
«  J’écris dans la maison que j’ai fait construire à cause de toi, en hâte pour toi et contre toi tandis qu’Eve notre mère te gardait, je construisais je n’écrivais plus, au lieu de poèmes, je bâtissais je répondais en pierre à ton arrivée pour les temps des temps […] je faisais la maison où tu n’es jamais venu. »

Vient le jour fatal 
« Un an je ne sors pas. Un jour, je sors. Et il s’en va. Sans moi. Le jour où je ne suis pas là. »

C’est un livre fort en émotion, mais pas seulement, c’est aussi une formidable écriture au fil de la pensée où s’entrechoquent le passé / le présent, les faits / les suppositions, la douceur / les sentiments crus.